Stranger Things ou le fait d’être un ado dans les années 80

Ah, être ado dans les années 80, ainsi que durant la majeure partie des années 90… C’est avec une nostalgie certaine que je me suis souvenu de mon adolescence dans ma petite ville de banlieue parisienne (neuf-cinq en force !) en visionnant la saison deux de Stranger Things, série originale Netflix où l’on suit les aventures mi-science-fiction, mi-horreur, de très jeunes ados américains. Je dis très jeunes adolescents, car les adultes, à l’époque où nous étions au collège, nous considéraient encore comme des enfants à 12 ans. Aujourd’hui un gamin de 10 ans est considéré (et se comporte déjà…) comme un ado. Bref.

Outre le fait que cette seconde saison se déroule en 1984, année symbolique dans l’histoire du cinéma US (SOS Fantômes, Terminator, Freddy Les Griffes de la Nuit, Le Flic de Beverly Hills, Gremlins, Karate Kid, Dune, Splash, L’Histoire sans Fin, et j’en passe !), et milieu d’une décennie incroyablement riche musicalement (Michael Jackson, Prince, Cyndi Lauper, A-ha, Eurythmics, New Order, The Police, Toto, Duran Duran, Madonna, la liste est sans fin…), elle nous permet de pouvoir comparer notre enfance avec celle de nos propres enfants. En préambule de mon futur article « Quel smartphone pour mon ado ? », le téléphone étant l’épicentre de la vie de l’ado (et de l’adulte) d’aujourd’hui, petite séquence nostalgie et émotion. Avec une pointe de « surprotégeons-nous nos enfants aujourd’hui ? »…

Cet article n’étant pas un avis sur la série, il n’y a pas de spoiler.

Le téléphone comme moyen de communication

Souvenez-vous. Vous avez trouvé son numéro de téléphone, enfin, celui de ses parents, dans l’annuaire. Elle est sur liste rouge ? Vous avez tout de même réussi à vous procurer son petit numéro à huit chiffres. Mais il y a un problème insurmontable : le téléphone sans fil n’a pas encore été inventé. Ou pire, vos parents ne savent pas que ça existe. Obligé de passer ce coup de fil, dans le salon, devant tout le monde. Comme si vous n’étiez pas assez stressé… Rien que de repenser à ce genre de moment, même aujourd’hui, j’entre mécaniquement en mode « sous pression » !

Afin de contrer le problème, non pas pour appeler une camarade de classe, mais tout simplement pour joindre les membres de la bande, les jeunes héros de Stranger Things utilisent des talkie walkie. Je me rappelle que nous en avions avec un copain de la résidence (salut Romain !). En fait nos appartements étaient mitoyens. Et bien malgré cela, on avait du bien mal à capter et à communiquer, contrairement aux djeunss de la série qui arrivent à se parler à relativement longue distance. Bon il faut avouer qu’ils ont des talkie de compétition dans le hit de Netflix.

L’unique téléphone de la maison, situé dans le salon, ou le rarissime talkie walkie, font qu’une fois rentré chez nous nous étions coupés du monde extérieur, de nos amis. Notons que ces derniers représentants d’ailleurs 80% du monde extérieur pour nous, à l’époque. Mon fils de 5 ans et demi (le « et demi » est très important selon lui) n’exprime pas encore le besoin de devoir échanger H24 avec ses amis. Tout le contraire de ma nièce de 14 ans, vissée à son iPhone et échangeant en flux continu des messages avec ses copines via iMessage ou en DM Instagram. A notre époque, 14 ans ou pas, il fallait voir ses potes si on voulait échanger avec eux. Et pour ceux qui vivaient loin (coucou Hendaye !), et bien on s’envoyait des lettres. Du mail, sans le e-. Courrier qui prenait du temps lors de la rédaction, mais encore plus pour la livraison. Tu écris une lettre, tu l’envoies, la personne la reçoit deux jours plus tard. Alors que l’ado d’aujourd’hui reçoit la notification du tweet le mentionnant une seconde après que le message ait été posté.

Dans la série, le talkie walkie sert peu, et quand il sert, c’est souvent pour une urgence. Nous sommes bien loin des SMS illimités et du Wi-Fi permettant de faire du WhatsApp sans fin. Je me demande ce que les jeunes d’aujourd’hui peuvent bien se raconter de si important et surtout, de si intense pour que ça puisse les tenir des heures durant. En fait, je pense qu’il ne faut peut-être mieux pas savoir…

Mais où est mon enfant ?

Dans Stranger Things, une chose m’a frappé : les parents ne savent pas où sont leurs enfants, et ces derniers sortent un peu quand ils veuillent. Autant nos parents avaient une notion du couvre-feu assez stricte (même en 3e, je devais être à la maison à 18h maximum… les boules), autant une fois dehors, on pouvait aller où bon nous semble, ils n’en sauraient jamais rien… Dans la série, les héros disent à leurs parents qu’ils sont chez tel ou tel ami, et ciaoooooo ! J’avoue avoir été loin de chez moi, et avec le recul, je me rends compte que j’aurais pu allé bien plus loin encore. Imaginez, dès la 5e j’avais le droit de sortir à partir de 13h, le samedi. Et je devais rentrer à 18h, donc. J’avais cinq heures devant moi ! De quoi faire l’aller retour à Lyon en squattant une heure là-bas ! En 4e j’avais une copine qui vivait, mon Dieu le périple, à trois stations de RER de chez moi. J’y allais. La peur au ventre, mais j’y allais. Et oui, pas de Google Maps, pas d’application Transilien, rien, que dalle. Obligé de se débrouiller seul, avec mes maigres moyens. Et évidemment, mes parents ne se doutaient pas que j’étais en vadrouille dans un autre département.

Je ne mentionnerai qu’à demi-mot deux de mes amies, qui ont menti l’une et l’autre à leurs parents (je dors chez ma pote !) pour se rendre jusqu’à Paris un samedi soir afin d’assister à Dance Machine 1 à Bercy ! Elles avaient 15 ans à l’époque…

Tout cela semble quasi inimaginable aujourd’hui. Et pour cause, il est possible de pister sa progéniture via son smartphone. Précision : quelques mètres. Le tout en temps réel. Le plus drôle étant que nous sommes nous-mêmes pistés via nos propres téléphones portables, néanmoins là c’est plus pour des raisons marketing. Mais c’est une autre histoire.

Le monde est-il plus dangereux ? Nos parents étaient-ils inconscients ? Surprotégeons-nous nos enfants ? C’est peut-être un mix de tout cela… Ou pas. Je suis persuadé que l’amour des parents pour leurs enfants dans les années 80-90 est le même qu’aujourd’hui. Mais notre génération se veut, ou se sent obligée, d’essayer d’être plus proche plus à l’écoute voire, plus (bien plus) intrusive. En tout cas nous sommes beaucoup plus inquiets. Il faut des événements paranormaux pour que l’un des protagonistes de Stranger Things soit emmené chez le « médecin » par sa mère. Les parents issus de la génération x ont tendance à prendre les devants pour beaucoup moins que ça… Je me souviens très bien du docteur nous regardant et nous demandant « c’est votre premier ? » alors que nous emmenions le petit le voir au moindre degré au-dessus de 37,2. Et que penser du le mot « hyperactif », prononcé dès qu’un enfant est un peu trop turbulent ? Mais revenons-en aux ados.

La musique et l’ado

Un des héros de Stranger Things est un vrai grand ado. Un lycéen. Et il écoute pas mal de musique sur cassettes, ou bien des vinyles. Les plus jeunes protagonistes n’ont pas de système Hi-Fi dans leur chambre, l’accès à la musique est pour eux assez restreint. Quel dommage, ils vivent à une époque pourtant si riche d’un point de vue musique ! En ce qui me concerne, au collège, c’était un peu plus cool : j’avais un vieil ampli, une platine K7, et deux petites enceintes bibliothèque qui devaient faire 10w et encore, en crête. Et un tuner FM où il fallait tourner la molette doucement pour capter une station de radio, un peu comme si on essayait de forcer un coffre-fort. (Je parle d’ailleurs de cette époque bénie dans mon dossier à la (re)découverte de la musique)

Aujourd’hui, l’ado a Spotify. A 14,99€ le pack famille, tout le monde a accès à environ 30 millions de titres, en illimité. Il y a trente ans, j’attendais patiemment que mes morceaux préférés passent sur Skyrock, à une époque où cette radio passait… du rock. Aujourd’hui, mon fils (5 ans et demi, rappelez-vous) et sa cousine (7 ans), tous deux fans de Jain, lancent les clips de cette dernière à l’aide de la commande vocale sur Youtube à partir de l’Android TV (une NVIDIA Shield) branché à la télé. C’est peut-être du chinois pour vous, mais pour eux, croyez-moi, c’est tout naturel… L’ado, lui, n’a pas besoin de chaîne Hi-Fi et encore moins d’une Android TV. Il a son smartphone. Et ses écouteurs d’iPhone. Ou son casque Marshall.

Quand nous avions 18-20 ans, nous allions chez les uns et les autres, et j’étais toujours un peu circonspect en voyant que les pères de mes amis écoutaient toujours les mêmes disques : Led Zep, Pink Floyd, les Rolling Stones… Je me disais « mince, ils sont bloqués dans les années 70 les vieux ! ». Aujourd’hui, non seulement j’écoute Led Zeppelin IV avec plaisir, mais rares sont les jours où je n’écoute pas au moins une chanson des années 80. Alors la question est : est-ce que le choix restreint  en terme de musique a fait que je trouve les chansons de l’époque génialissimes et que je m’y suis très attaché, ou alors est-ce juste parce que tous ces morceaux font partis de mon enfance et de mon adolescence et que de par ce fait, je m’y cramponne de toutes mes forces ?

Être connecté

En résumé, ce qui fait la différence entre nous adolescents dans les années 80-90 et les adolescents d’aujourd’hui, et qui ressort beaucoup dans la série, c’est que nos ados vivent dans un monde connecté. Où il est possible d’avoir accès à tout, et tout de suite. En dehors de ma rue, mon quartier grand max, et en dehors de mon collège, je ne connaissais pas grand monde. Quoi, il y avait un autre collège dans ma ville ? C’était l’inconnu ! Attends attends attends… Un autre collège, ça veut dire… Des filles qu’on n’a jamais vu, et qui vivent dans notre ville ? Plus sérieusement, nous vivions un peu protégé du monde extérieur, dans une sorte de bulle. L’ado d’aujourd’hui a accès à tout. Tout de suite. Sans limite. S’il le souhaite, rien, absolument rien ne peut avoir de secret pour lui. Dans Stranger Things, les héros sont confrontés à des monstres venus d’un monde parallèle. Dans la vraie vie nos enfants ont accès à une mine d’informations et de savoir sans fin, mais cela peut s’avérer (très) dangereux. Et ne parlons pas des réseaux sociaux. Je me dis régulièrement que si j’avais eu accès à Facebook à 14 ans, j’aurais fait de gros dégâts. On n’est (parfois, souvent) pas très malin ni très gentil quand on est un p’tit gars de 14 ans…

Les réalisateurs de Stranger Things le disent eux-mêmes, il aurait été impossible de conter la même histoire en 2017. Il fallait que les gamins soient seuls, isolés, sans que cela fasse Moyen Âge. Les années 80 étaient le choix parfait.

En tout cas, c’était bien cool d’être ado dans les années 80-90, non ? Ce n’est pas pour rien si la série plait tant à la génération x…

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